Les élections en Géorgie, du 26 octobre dernier, ont été un moment décisif dans la quête de stabilité démocratique du pays. Ce territoire, reconnu pour ses réalisations réformatrices, est positionné comme un phare d’espoir dans le Caucase du Sud et en Europe de l’Est. Néanmoins, ces derniers temps, la Géorgie fait face à des turbulences qui assombrissent sa trajectoire démocratique. Les rapports d’irrégularités, le mécontentement public et les réactions critiques de la communauté internationale soulignent la gravité de la situation.
Le jour des élections a été marqué par des complications significatives. Des coupures de courant ont été signalées dans plusieurs régions, suscitant des inquiétudes immédiates quant à l’intégrité du processus. Dans la première heure suivant la fermeture des bureaux de vote, la Commission électorale centrale (CESKO) a annoncé qu’environ 2 millions de votes avaient été exprimés. Le parti au pouvoir, Rêve géorgien (GD), a revendiqué la victoire avec environ 900 000 de ces votes, affirmant qu’ils représentaient 52 % du total. Cependant, les observateurs ont souligné l’incohérence mathématique : 900 000 votes représentent plutôt 45 % de 2 millions. Cette erreur a intensifié les inquiétudes concernant la crédibilité des résultats. Le mécontentement public s’est intensifié avec les rapports d’une possible manipulation des votes. Les coupures de courant pendant le dépouillement dans certaines zones et le retrait ultérieur de la plateforme en ligne de la CESKO n’ont fait qu’ajouter à la confusion. Le soutien substantiel de l’opposition était évident dans les premiers rapports, mais la déclaration officielle a donné au parti GD une victoire de 54 %, approfondissant les suspicions et provoquant des manifestations généralisées.
Les rapports de HarrisX et Edison Research sont venus confirmer cette thèse après que des violations généralisées aient été mises en lumière par les observateurs électoraux. Leurs évaluations renforcent les accusations des partis d’opposition et de la présidente Salome Zourabichvili, qui ont condamné les élections comme truquées et volées. Edison Research a souligné que la différence de 13 points entre son estimation et la majorité de 54 % revendiquée par GD ne pouvait pas être expliquée par des marges statistiques normales, suggérant une manipulation potentielle au niveau local. De même, HarrisX a trouvé une différence de 8 % indiquant de possibles irrégularités de vote. La réponse nationale et internationale a été rapide. The Economist a qualifié ces élections de test crucial pour les aspirations démocratiques de la Géorgie, notant que l’opposition voyait cela comme la dernière occasion de restaurer l’alignement avec l’UE. Boris Johnson a condamné les résultats, les qualifiant de manipulés par un gouvernement pro-Kremlin. Des partis comme l’ALDE et le Parti populaire européen (PPE) ont appelé à des enquêtes rigoureuses, soulignant la nécessité de transparence et de vigilance pour défendre les normes démocratiques.
Cette élection était particulièrement significative car elle était la première élection entièrement proportionnelle depuis que la Géorgie a retrouvé son indépendance vis-à-vis de l’URSS, s’éloignant des systèmes électoraux majoritaires ou mixtes.
Les appels à l’annulation de plus de 417 000 votes par des groupes de surveillance locaux, citant des violations significatives, et la suspension par l’UE du processus d’adhésion de la Géorgie soulignent de graves préoccupations. Des figures comme Josep Borrell ont insisté sur le fait que les élections ne pouvaient pas être considérées comme équitables, soulignant un moment critique pour l’avenir de la Géorgie.
Au-delà des problèmes internes, le sort de la Géorgie reflète le paysage géopolitique en mutation. L’influence affirmée de la Russie, de la Chine et de l’Iran a mis à mal celle de l’occident, relativement retenue. Alors que ces nations poussent leurs agendas de manière affirmée, les stratégies prudentes et timides de l’Occident ont souvent échoué. Cette retenue a conduit celui-ci à être dépassé dans l’extension de son influence et dans l’offre de soutien robuste à ses alliés. La Géorgie est un exemple frappant de la manière dont l’absence d’une assistance occidentale cohérente peut rendre les nations démocratiques vulnérables. Les conséquences potentielles d’une Géorgie tombant sous une influence russe plus forte sont profondes. Un tel changement consoliderait le contrôle de Moscou dans le Caucase et permettrait un accès plus facile au Moyen-Orient et à l’Iran, formant un triangle anti-démocratique avec Pékin et Téhéran qui pourrait remettre en question la stabilité mondiale.
Alors que le monde observe la Géorgie naviguer dans cet océan d’incertitudes au niveau politique, la résilience de son peuple, les actions du gouvernement et le soutien des alliés occidentaux de la Géorgie détermineront si le pays peut retrouver son chemin démocratique. En cas contraire, elle pourrait sombrer face à de nouvelles tensions géopolitiques, sans garantie que le versant opposé lui soit plus favorable : « Un bateau qui sombre ne le fait que pour rejoindre une autre mer. ».
Giorgi Germesashvili
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