C’est au printemps que commence un nouveau cycle – la naissance d’une nouvelle vie… En hiver, nous semblons nous endormir, hiberner. Mais avec l’arrivée de cette saison, on reprend vie, comme si quelque chose de nouveau s’installait à l’intérieur de chacun.
En pensant au printemps, les œuvres de Claude Monet nous viennent directement à l’esprit : il peignait les variations de cette période de l’année avec une acuité certaine, en prenant comme objet d’inspiration son village de Giverny, situé en Normandie. Il est étonnant de voir à quel point l’artiste a réussi à capturer l’état d’éveil de la nature, ainsi que de tous les êtres vivants : « J’ai pu transmettre l’impression des mouvements fugaces du soleil et, au printemps, c’est particulier, il est difficile de l’exprimer avec des mots, cela ne peut être ressenti qu’avec l’âme. » À travers ses toiles, il a su montrer les jeux d’ombres et de lumière, le souffle du vent – ici tout vit, respire, se balance, vibre, palpite –, la vraie vie, l’éclat du soleil jouant sur l’herbe. En regardant ses peintures, on a envie d’être dans ce village, de respirer l’arôme de cette nature qu’il nous propose d’admirer. Il a créé ce jardin avec amour et soin, car, en plus d’être un grand peintre, il était également excellent jardinier.
Le jardin de Giverny
Aujourd’hui, artistes et admirateurs du monde entier y viennent pour trouver l’inspiration, ou simplement le découvrir. Claude Monet a qualifié son jardin de peinture impressionniste naturelle, il n’aimait pas les contraintes ainsi que les plans convenus et a participé, avec d’autres, à populariser l’expression « jardin à la française ».
Il a commandé des graines de plantes au Japon, et ses amis, connaissant bien la passion de l’artiste, lui ont également offert les plantes les plus incroyables de cette région dont l’accès est relié par le pont japonais qui se trouve dans le Jardin d’eau [1] ; des paysagistes de tous les continents le prennent désormais comme exemple et viennent l’étudier.
Diverses conférences et réunions de jardiniers de toutes nationalités y sont organisées. C’est là que plane l’esprit du maestro, son âme, son énergie : Monet a vécu et travaillé ici pendant quarante-trois ans. L’artiste s’y est installé en 1883. Il avait remarqué ce village lors de son passage en train… Parlant des plantes de son jardin, Monet disait : « Je les ai plantées par plaisir, sans même penser que je les peindrais. » Il a su créer son paradis sur terre, à l’aide de son imagination et de ses mains. Si chacun réalisait quelque chose de similaire, on pourrait découvrir au hasard des balades un jardin d’Éden à chaque coin de rue.
Monet a créé son propre style, il sublime les effets de lumière qui changent suivant les heures, la synchronicité des motifs n’étant qu’un prétexte afin de reproduire leur évolution au cours des heures. Plus généralement, sa vision, ses compositions de couleurs ne ressemblent pas à celles des autres. La campagne traditionnelle côtoie les fulgurances de son imagination ainsi que ses différentes influences (japonaises notamment). Il restera quelque peu insensible à l’essor de l’industrie et des opportunités que cela pourrait lui donner, même s’il peint La Gare Saint-Lazare en 1877. Ses tableaux fascinent quiconque les regarde, ils semblent absorber l’attention des observateurs afin de les perdre dans un labyrinthe de variations de couleurs.
Tel un magicien, il s’est servi de son pinceau, ainsi que de son environnement, afin de créer son propre monde et d’y embarquer avec lui tous les amoureux des arts ainsi que de la nature. L’artiste nous a quittés en 1926, mais son jardin continue toujours d’inspirer peintres et artistes. Il est à lui seul une allégorie du printemps : la combinaison de fleurs roses et de ciel bleu crée un ensemble réussi qui plaît à l’œil du spectateur, propice à la contemplation. Nombreux l’admirent, car dans les œuvres de Monet réside un puissant artéfact qui donne envie de vivre ainsi que de créer, de se réveiller du lourd sommeil de l’hiver et d’aller peindre. Après plusieurs années de rénovation à partir des années soixante-dix, le jardin ainsi que la propriété sont de nouveaux ouverts au public depuis 1980.
Il n’est pas encore trop tard pour aller visiter le lieu et se laisser hypnotiser par ce bouquet de saveurs et de couleurs que les toiles ont su si bien restituer, il ne tient qu’à vous de vous laisser guider par son imaginaire…