Projet de loi contre les dérives sectaires ou la fin de l’impunité numérique des gourous digitaux.

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Depuis la crise sanitaire, les signalements à la Miviludes – mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – ont quasiment doublés. Et pour cause, la pandémie aura connu l’émergence de gourous 2.0 qui, sous couvert d’ésotérisme, de soins médicaux « new âge » et de développement personnel, invitent leurs adeptes à la plus grande méfiance envers la médecine conventionnelle.

C’est dans un contexte rendu inextricable par l’ampleur qu’ont aujourd’hui les réseaux sociaux que la députée Renaissance Brigitte Liso a souhaité combattre et endiguer ce qui est, désormais, un enjeu de santé publique : le détournement digital de la médecine à des fins sectaires.

Ainsi, le 7 février dernier, l’Assemblée Nationale a adopté un projet de loi dans le but de protéger les français de ce nouveau fléau qu’est l’endoctrinement sectaire par le biais d’internet.

Si une partie de la proposition incombant à la provocation d’abandon de soins avait été rejetée par le Sénat, c’est dans son intégralité que la Commission parlementaire a proposé le texte amélioré , en espérant son adoption définitive le 13 février prochain.

Une loi contre l’endoctrinement 2.0

Le projet de loi, enrichi par la Haute-Assemblée et la Miviludes, est composé de sept articles divisé en quatre axes majeurs : Renforcer les poursuites pénales, consolider l’accompagnement des victimes, protéger la santé publique et accentuer les campagnes de prévention de lutte contre les dérives sectaires sur internet. À noter que la Miviludes obtiendra également un statut législatif et que le délai de prescription concernant les victimes mineures se verra allongé.

Revenons sur le très controversé article 4 qui avait été refoulé puis enrichi par le Sénat en décembre dernier mais qui marque un tournant décisif dans la lutte contre les sectes.

Celui-ci a pour ambition de pénaliser la provocation d’abstention de soins lorsque cet abandon altère la santé du malade de façon pérenne ou temporaire.

Le « naturopathe » Thierry Casasnovas, poulain d’Alain Soral et détenteur de la Quenelle d’or de Dieudonné, mis en examen le 10 mars 2023 pour abus de faiblesse et exercice illégal de la médecine, est directement concerné attendu qu’il incitait ses abonnés souffrant de cancer à troquer la chimiothérapie pour le jeûne.

De plus, celui que les médias surnomment « le gourou du crudivorisme » , prodiguait, contre rémunération, des conseils prétendument thérapeutiques à ses adeptes notamment l’abandon de la tri-thérapie pour les patients VIH ( le Sida étant, selon lui, une invention ) et une alimentation exclusivement composée d’aliments crus pour guérir la tuberculose.

Cet amendement adopté, l’affaire Casasnovas pourrait connaître de nouveaux rebondissements puisque non seulement l’abus de faiblesse serait requalifié mais de nouveaux motifs d’inculpations viendrait alourdir les charges déjà lourdes du vidéaste de 49 ans.

Désinformer pour mieux régner

L’article 1 concernant les propagandes numériques où gourous et rabatteurs induirait de la méfiance vis-à-vis de la médecine traditionnelle promet aussi de mettre à mal le processus d’endoctrinement digital dont le mécanisme est parfaitement huilé : désinformer pour mieux régner, sélectionner les proies les plus réceptives et procéder à l’extorsion.

En outre, la mise en place d’une emprise psychologique sur autrui qui aboutirait à une altération de sa santé se verrait ainsi punie de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Si l’abus de faiblesse prévoit une peine similaire, c’est la requalification du délit revalorisant le statut de la victime d’abus sectaires qui marquerait un avancement majeur dans son suivi psychologique futur.

Nous pensons notamment à la désinformation autour de la Covid-19 qui a bouleversé la toile lors de l’été 2021 où l’utilisation d’une pompe à venin post injection avait été recommandée par un membre actif de la Fraternité Blanche Universelle mais aussi de l’association soralienne pour se protéger des effets secondaires éventuels du vaccin. Désinformation qui avait suscité l’anxiété de personnes mentalement affaiblies par les confinements successifs et, tout en offrant une médiatisation massive de la secte, avait aussi permis la récupération de sceptiques par l’extrême-droite.

Plus récemment, une nouvelle forme de pratiques commerciales trompeuses quant aux purificateurs d’eau, censées protéger l’utilisateur d’un empoisonnement au plastique, a remué les réseaux sociaux. Une fois encore, la crédulité des internautes les plus vulnérables est mise à mal puisque nombreuses sont les victimes qui préfèrent opter pour le jeûne hydrique plutôt que pour la consommation d’une eau non purifiée.

L’avenir d’une illusion

Si l’hémicycle devrait s’unir quant à cette avancée fort salutaire en matière de dérives sectaires, c’est sans compter sur la méfiance du Rassemblement National et de certains élus LFI.

À l’instar du député RN Ménagé, une poignée de parlementaires considère ce projet de loi comme une possible censure du débat scientifique en faveur de la majorité présidentielle.

Nul doute que le vaccin contre la Covid-19 sera bientôt pris en otage par les opposants à ces amendements, au sein du Palais Bourbon comme sur X ( anciennement Twitter ), autant du côté des endoctrineurs que des endoctrinés.

Le projet de loi contre les dérives sectaires ne serait-il pas un procédé fallacieux pour empêcher que lumière ne soit faite quant à la gestion de la crise sanitaire ? Ne peut-on pas y voir une ruse abjecte afin d’empêcher les personnes victimes d’erreurs médicales d’exprimer digitalement leurs griefs contre le praticien reconnu responsable sous peine de finir à Fresnes tout en cassant son PEL ?

Car, si la dissension scientifique est prétendument menacée par ces amendements de lutte contre le sectarisme, il va sans dire que gourous, rabatteurs et disciples sauront user d’arguments conspirationnistes les plus incongrus pour sortir victorieux de cette chasse aux dérives sectaires.

Mélanie Gaudry