Protocole Albanie-Italie : Le transfert de migrants respecte-t-il les droits de l’homme ?

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Le vendredi 11 avril, les autorités italiennes annonçaient le transfert de 40 migrants vers les centres de détention situés en Albanie. Celui-ci se base sur un protocole conclu entre les deux pays en novembre 2023[1]. A cette période, l’ONG Amnesty International avait mis en garde contre les répercussions de ce protocole sur les droits humains, notamment concernant le droit à la liberté et le droit d’asile. L’ONG soulignait les risques de détention prolongée et automatique, ainsi que les obstacles entravant l’accès à des procédures d’asile et de recours équitables et efficaces[2]. En parallèle, Human Rights Watch dénonçait les conditions déplorables de centres similaires en Italie. En février 2025, la justice italienne a partiellement confirmé ces inquiétudes, renvoyant 43 migrants en Italie.

Le protocole entre l’Italie et l’Albanie s’inscrit dans le processus d’externalisation des contrôles aux frontières et du traitement des demandes d’asile, porté par le gouvernement conservateur de Giorgia Meloni. Les centres sont considérés comme une extension du territoire italien. Ils ont été construits pour accueillir des migrants non-vulnérables interceptés en mer et provenant de pays considérés comme “sûrs” par la législation italienne. Cette classification permet d’appliquer une procédure d’asile accélérée, car il est probable qu’ils n’aient pas besoin de protection internationale[3]. Les tribunaux italiens se sont opposés de manière répétée à ces transferts, ordonnant le renvoi de chacun des migrants interceptés en octobre puis en novembre 2024. Ces décisions ont été confirmées par la Cour d’appel de Rome, qui a référé des questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’UE (CJUE)[4]. Le problème vient de la manière dont l’Italie désigne les “pays d’origine sûrs” déclenchant la procédure accélérée. Le manque de transparence de la législature italienne concernant les raisons derrière leur désignation rend difficile quelconque contestation par les demandeurs d’asile ou contrôle judiciaire des abus. Les tribunaux italiens doutent de la compatibilité de ce processus avec le droit à une protection juridictionnelle effective. L’arrêt de la CJUE est attendu pour le mois de mai. Suite à cette saga judiciaire, les centres, qui font partie d’un programme au coût de 800 millions d’euros, sont restés vides. Le 28 mars 2025, le gouvernement italien a élargi les règles d’accès pour inclure les migrants faisant l’objet d’un ordre d’expulsion suite à un refus de leur demande d’asile, transformant ces établissements en centres de détention pour le rapatriement comme il en existe déjà en Italie. Deux semaines plus tôt, la Commission européenne proposait un règlement sur les retours, autorisant les Etats Membres à renvoyer les migrants refusés dans un pays tiers avec qui ils ont conclu un accord. Cependant, comme le rappelle le commissaire Brunner, cette proposition doit encore être adoptée par les législateurs européens, ce qui pourrait prendre plusieurs années.

Margot Robins

Instagram : @margot_129

  1. https://www.independent.co.uk/news/albania-italy-giorgia-meloni-tirana-european-union-b2731612.html
  2. https://www.amnesty.org/en/documents/eur30/7587/2024/en/
  3. https://www.amnesty.org/en/documents/eur30/7587/2024/en/;
  4. https://www.hrw.org/fr/news/2025/04/02/la-derniere-source-dembarras-couteuse-pour-litalie